11 mai : nous restons à Porto-Vechio, car la météo sur Porto Vechio est naze, car Henry est malade et crevé (infection au genou), et parcequ'on est si bien chez Laure et Pierre,à San Ciprian, dans le nid d'aigle. Nous dinons même avec le cher Alain Quilici, je suis bien content de le voir, plein d'enfants, de maison et de travail, ah le temps manque à certaines périodes de la vie !
12 mai : nous avons passé des heures à scanner les prévisions météo pour la traversée Porto-Vecchio / Var. Le vent annoncé est neutre, la nébulosité sur Corse chargée mais on doit pouvoir passer, mais Damned, la prévision de l'aube de ce 12 mai annonce un ciel bâché jusqu'au sol sur la côte varoise, avec des nuages qui débutent à 80 km au large de la côte. GRRRR. Nous analysons que la prévision prévoit du broken ou scattered à l'intérieur des terres varoises, donc notre tactique est de poursuivre on top vers Fayence si l'on ne peut pas voir le sol à Sainte-Maxime (notre cible). Jacques peut partir directement vers le Var, mais nous les 3 ulms lents, nous choisissons par précaution de refueller à Ajaccio. Nous appelons la tour d'Ajaccio qui nous renvoie sur une personne en charge de l'aviation générale, qui nous accepte. Il nous fait par 2 fois la grosse voix pour se jouer de nous, genre "je suis obligé de vous facturer 32 Euros de taxe d'atterrissage par ulm",puis une fois posés : "j'appelle la gendarmerie, vous êtes garés un mètre trop loin", mais en réalité il est très accueillant.
Le sud Corse est nuageux, nous devons nous dérouter par le sud, et zigzaguer entre nuages, rejoindre la cote ouest vers Propriano puis cheminer vers le nord.
La contrôleuse d'Ajaccio est très avenante avec nous, nous sommes dans le circuit après un Airbus, no problemo. Nous posons et fuellons, puis Go, on se lance pour la grande, mythique traversée via Merlu.
Bien concentré sur cette traversée, sous les consignes du contrôleur d'Ajaccio, je ne peux pas passer au dessus de la maison de Villanova ; je l'aperçois de loin, et ai une pensée émue pour les hôtes de Cassiopée.
La traversée débute bien : bonne visi, vent neutre, athmosphère très calme. La Corse gris-bleue entourée de nuages épars parait belle comme un vaisseau de la guerre des étoiles.
Peu avant Merlu, nous basculons d'Ajaccio App à Nice info. Le contrôleur nous annonce direct que la côte varoise est bouchée, entrées maritimes, et que l'ulm qui est passé peu avant nous a "connu de graves difficultés". Damned ! Je demande à quelle altitude il a tenté de passer, le contrôleur me répond : bas. Je lui annonce que pour nous il n'y aura pas de problème, car nous tranisterons à 5000 feet. Comme je suis le seul à avoir une radio double écoute, mes compagnons sont restés sur notre fréquence privée et n'ont pas entendu cette conversation inquiétante mais je leur relate.
A mesure que nous avançons, et que la couche est de plus en plus soudée, le contrôleur questionne de nombreux pilotes sur la visibilité dans leur secteur. De nombreux endroits sont tous bouchés, avec des entrées maritimes, plusieurs pilotes demandent à repasser en IFR, car ils n'ont plus aucune visibilité... A 30 km de la côte, le dialogue direct s'installe avec Nice-Info : ils ont bien compris qu'on est enfermés au dessus de la couche et cherchent une solution pour nous permettre d'atterrir. Ils évoquent un déroutement vers Cannes, où il y aurait une trouée (chic, c'est le festival, classe pour nos ulms), et continuent d'interroger la fréquence pour nous aider. Nous n'en menons pas large, l'angoisse est bien montée de notre coté...
Je dois dire que Nice info a vraiment tenté opérationnellement de nous aider, sans rajouter à notre angoisse par des sermons. Merci vraiment, Nice Info, cette présence m'a bien réconforté au cours de cet épisode très angoissant.
Je dois dire que Nice info a vraiment tenté opérationnellement de nous aider, sans rajouter à notre angoisse par des sermons. Merci vraiment, Nice Info, votre support m'a bien réconforté au cours de cet épisode très angoissant.
Au niveau de Saint Tropez, nous discernons une trouée, pas franche mais bien réelle. Nous explorons et apercevons un bateau (YES!) et la cote proche du golfe. Nous prévenons Nice info et plongeons. Arrivés en bas, nos possibilités sont maigres : la côte est quasi entièrement recouverte d'entrées maritime, après 4 km en radada vers Ste Maxime, c'est fermé...=> nous tournons comme des mouches attrapées sous un verre retourné,GRRR. Du moins nous voyons quelques champs et plages ; il va falloir se vacher. Henry un moment remonte, mais GRR il ne trouve plus de trouée, il est de nouveau enfermé en haut...
Je consulte mon excellentissime Lanasoft (logiciel de navigation), qui m'indique une petite piste ulm à Cogolin, 8 km, au fond du golfe, cela semble jouable, nous nous regroupons et cheminons sous les nuages bas. En route nous survolons une plateforme d'hélicos privée, dotée d'un tarmac genre 180 m, on pourrait se poser là ! Mais la visi nous laisse passer jusqu'à Cogolin et Pfff ouf, nous nous posons tous trois. Sauvés !
Plusieurs appels nous parviennent de la part de Nice info, pourtant nous pensions avoir cloturé. Nous rappelons plusieurs fois à Nice afin que toute confusion cesse : nous sommes bien posés, sur une piste ulm, le vol est terminé, il convient de cloturer le plan de vol, et de ne pas lancer les secours.
Jacques nous dira le soir par téléphone que lui s'est retrouvé complètement enfermé au ras de l'eau par l'entrée maritime, et que Nice info a fait intervenir un Cessna IFR qui a rejoint le Savage et l'a tiré à travers la couche pour repasser on top (je ne me représente même pas comment c'est possible), et lui Jacques, "a eu très chaud".
Par contre, une fois on-top, Jacques a pu rejoindre Fayence (1H30 avant notre arrivée sur côte), qui était dégagé, et terminer son vol tranquillement...
Cet épisode très tendu m'inspire plusieurs réflexions :
Sauvés, mais au milieu de rien, la ville de Cogolin est à quelques kms, mais nous sommes dans un dédale de chemins embrouillés...Pascal et Jérôme nous partons avec la mission de rapporter de l'essence et des sandwichs. Nous errons dans le labyrinthe des chemins, jusqu'à ce qu'un agriculteur ne nous prenne en stop et nous dépose à l'orée de la ville. Balade dans Cogolin, qui nous parait très prolétaire...rien à voir avec St Trop ! Nous refaisons du stop avec nos 120 litres d'essence et les sandwiches et un jeune homme nous ramène au terrain, merci ! Nous attendons 4 heures que la visi locale se dégage, la prévision météo indiquant que le temps est correct dans les terres.
Nous re-décollons et sortons in extremis du pot au noir local, et chic, le temps est très bon dans les terres. Direction Montelimar, où nous escomptons que les ulmistes locaux actifs nous accueilleront pour la nuit. Le vol en Provence est parfait, très clair et beau.
Nous arrivons à Montélimar juste avant l'orage, ouf, parfait. Planet Gyro est déjà fermé, mais Hélitec nous accueille gentiment, et Pascal, organise par téléphone l'ouverture du Hangar Planet Gyro pour nous (merci!).
Soirée un peu mélancolique à l'hotel Ibis, car demain c'est la fin de l'aventure..Jacques appelle pour relater sa propre tribulation sans visibilité, lui a eu très chaud ! Il est bien rentré à Salon et se met déjà au boulot...
La météo est encore compliquée pour ce 13 mai...Nous partons vers 11H, le temps que les stratus se dissipent. Il y a une belle activité chez Planet Gyro et nous échangeons avec plaisir avec Dominique et Pascal en attendant le départ.
La remontée est grise et menaçante, l'on sent le front pluvieux sur la Saone...Arrivés vers Macon, sous l'impulsion inspirée d'Henry, nous décidons de plonger dans le front, pour atteindre Montceaux les mines dans ~30 minutes. La douche n'est pas monstrueuse, l'on garde de la visibilité, et nous pouvons atteindre Montceaux.
Montceaux nous accueille très bien, repas au club house, hangar et refuelling UL91. Un instructeur avion nous chicane un peu, mais chacun nous rassure : il est juste bougon. Les SMS s'égrènent, annonçant les arrivées à bon port de l'équipe "Sicilienne" : Yerres, Beaune..nous forwardons à Lazhar.
Bien revigorés, nous reprenons la route, Henry vers Nantes, Pascal et moi vers Meaux. Le gros du front est passé d'ouest en est durant notre déjeuner et nous pourrons cheminer sans encombre à travers la Bourgogne. Pour Henry, c'est plus compliqué, mais le renard du désert a plus d'un tour dans son sac : il parviendra à destination !
La boucle est bouclée ! Nous sommes hyper heureux ! 60 heures de vol très variées, Alpes Italie Sicile Traversée Campagne Désert Traversée Sardaigne Corse Traversée Paris ! Avons cheminé à 3 personnes puis à 7 puis à 50, puis 7 puis 3 ; avons connu des motels de nationale et des 4 étoiles, les ulms ont très bien marché, nous avons fait de belles rencontres et solidifié des amitiés, nous avons bien rigolé, la vache du tour s'est très bien passée (bravo JF), et nous avons eu l'espoir de contribuer au lancement de l'ulm en Tunisie, ce cher pays ami, qui vacille et peine à foncer sur la voie de la démocratie sociale libérale laïque..Allez la Tunisie : lancez-vous dans l'ulm, cette merveilleuse école de liberté et de responsabilité !
Henry mon maître du vol nous a encore appris plein de trucs. Tout ce périple en pendulaire : chapeau l'artiste !